Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/45

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sa voix avoit quelque chose de triste & de funeste : & toutes ses actions tesmoignoient assez, qu’il se preparoit à mourir.

Cependant la pointe du jour venant à paroistre ; & l’approche du Soleil, diminuant quelque chose, de l’horreur de cét embrazement ; parce que la Mer, la Plaine, & les Montagnes, reprenoient une partie de leurs couleurs naturelles ; la face de cette funeste Scene, changea en quelque façon : & Feraulas vit presque en mesme temps deux choses, qu’il fit remarquer au mesme instant à son cher Maistre. Seigneur, luy dit-il, ne voyez vous pas en Mer, une Galere qui vogue, & qui semble faire beaucoup d’effort pour s’esloigner de cette malheureuse Ville ? Et ne voyez vous pas encore, comme quoy il semble que l’on ne songe qu’à esteindre le feu qui s’approche de cette grosse Tour, qui est sur le portail du Chasteau, & que l’on abandonne tout le reste pour la conserver ! Je voy l’un & l’autre, respondit Artamene ; Je ne sçay, adjousta Chrisante, si ce n’est point une marque asseurée, que la Princesse n’a pas encore pery : puis qu’il peut estre, qu’elle est dans cette Galere, ou dans cette Tour, que les flames n’ont pas encore embrazée. Helas ! (s’escria tout d’un coup Artamene) s’il estoit ainsi, que je serois heureux, de pouvoir conserver quelque espoir ! Il s’approcha alors beaucoup plus prés de la Ville : & voyant effectivement qu’il y avoit plusieurs personnes qui taschoient d’empescher le feu d’approcher de cette Tour ; Travaille (s’écria t’il en redoublant sa course) trop heureux Rival ; travaille pour le salut de nostre Princesse : & sois asseuré si tu la peux sauver de ce peril, que je te pardonne tous les maux que tu m’as faits. Ce Prince ne demeuroit pourtant pas long temps