Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/475

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ne m’arresteray point à vous dire, les divers sentimens, de toutes ces diverses Personnes, puis que vous les pouvez aisément concevoir : la mort d’Arbate fit un grand bruit dans la Cour : & le hazard qui avoit fait que j’avois combatu les deux Freres en un mesme jour ; & que j’avois tué Arbate de l’espée de Megabise, estoient des circonstrances qui agravoient bien la chose en apparence, mais qui en effet ne me rendoient pas plus coupable. Toutefois Astiage ne laissa pas d’en paroistre fort irrité : & Megabise quoy que son Frere l’eust trahi & fust son Rival, ne laissa pas aussi de tesmoigner beaucoup de ressentiment de sa mort : & de cacher l’interest de son amour, sous le pretexte de la vangeance de son frere. Artambare donc, & mon Pere avec luy, resolurent que je me tiendrois caché pour quelque temps : que mesme je m’esloignerois d’Ecbatane le plus que je pourrois, afin d’esviter un nouveau combat contre Megabise : & que pendant mon absence, ils travailleroient l’un & l’autre de toute leur force, pour tascher d’accommoder les choses. Ils n’eurent pas plustost pris cette resolution, qu’ils me la firent sçavoir : mais encore que je l’eusse preveuë, il est pourtant certain que je ne laissay pas d’en estre surpris ; & que la seule pensée de la felicité où j’estois un jour auparavant, & du malheur où je me voyois tombé, m’accabloit de telle sorte ; que je n’avois pas mesme la liberté de raisonner sur mon infortune. Je fis pourtant supplier mon Pere, de me donner encore quelque temps, pour me resoudre à ce fascheux depart, & pour m’y pouvoir preparer : ce qu’il m’accorda sans peine, parce qu’il sçavoit que j’estois en une Maison, où il y avoit seureté pour moy : & que d’ailleurs il n’ignoroit pas, qu’encore qu’Astiage fust