Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/49

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qu’Artamene deust arriver ; (car la veüe de ce funeste embrazement, l’avoit beaucoup retardé) commençoit de ne songer plus qu’à se mettre à couvert de la violence des flames. Mais il n’eut pas plustost veû ceux qu’il attendoit, qu’il fit ouvrir la porte, où il estoit peu accompagné : parce que malgré luy, une grande partie des siens estoit allé voir en quel estat estoient leurs Maisons ; leurs Peres ; leurs Enfans ; ou leurs Femmes. Ils n’eurent donc aucune peine à se rendre Maistres de cette porte : mais ils en eurent bien davantage, à se garantir du feu qu’ils trouvoient par tout. Artamene en marchant dans ces Ruës toutes enflamées, fut plusieurs fois exposé, à se voir accabler par la chutte des maisons : & si cét objet luy avoit semblé terrible par le dehors de la Ville, il luy sembla espouvantable par le dedans. Ils marchoient l’espée à la main droite, & le bouclier à la gauche ; dont ils eurent plus de besoin de se servir pour repousser les charbons ardants qui tomboient de toutes parts sur leurs testes ; que pour recevoir les traits de leurs Ennemis. Ce n’est pas que d’abord l’arrivée d’Artamene ne redoublast les cris & l’estonnement, parmy ce qui restoit de personnes vivantes dans cette Ville : & que ce Heros n’en vist plusieurs, qui estans occupez à esteindre le feu de leurs propres logemens, ou à sauver leurs familles ; quittoient cét office charitable, pour tascher de se rassembler, & de faire quelque resistance. Mais ils ne trouvoient dans ce grand desordre, ny armes, ny Chefs, ny compagnons capables de s’opposer à son passage. L’on voyoit en un lieu des gens qui abatoient leurs propres maisons, pour sauver celles de leurs voisins : l’on en voyoit d’autres qui jettoient ce qu’ils avoient de plus precieux par les fenestres, pour tascher d’en sauver