Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/493

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n’attends pas davantage, le plus grand de mes ennemis. Mais helas, cette illustre Personne, n’avoit garde de s’en aller ! car comme je ne l’ay que trop sçeu depuis pour mon repos, elle estoit si fort occuppée, du souvenir d’Aglatidas, & de la longueur de son absence ; qu’elle ne vit Megabise, que lors qu’il fut si proche d’elle, qu’il n’y avoit pas moyen de l’éviter. Elle ne l’eut pas plus tost aperçeu, qu’elle se leva, contre la creance que j’en avois eüe : & comme je l’ay sçeu depuis, luy demanda avec assez de severité, pourquoy il la venoit troubler dans sa solitude ? Mais, ô Dieux ! comme je ne voyois pas le visage d’Amestris, sa fidelité pour moy, & sa rigueur pour Megabise, ne m’en rendoient pas plus heureux. Je fus cent fois tenté de sortir du Bois, & d’aller interrompre leur conversation, que je ne pouvois entendre : je pensay mesme aller attaquer Megabise devant Amestris : toutefois voyant qu’il n’avoit point d’espée, & que je n’en avois qu’une, je changeay de dessein, & je differay ma vangeance. Joint aussi, que j’avois un si grand respect pour Amestris, malgré mon desespoir & ma jalousie ; & malgré mesme tout ce que je croyois voir ; que je pense que je n’eusse pas osé en manquer jamais pour elle, quand Megabise eust eu son espée comme j’avois la mienne : & que je n’eusse pas eu l’audace de luy donner cette frayeur : ny l’inconsideration de l’exposer aux mauvais discours du monde, apres une avanture de cette sorte. Je demeuray donc immobile spectateur, d’une conversation assez longue : car comme je l’ay apris depuis assez exactement, apres qu’elle eut tesmoigné à Megabise, qu’elle ne trouvoit pas bon qu’il l’eust interrompuë, elle voulut s’en aller : mais il se mit à la