Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/557

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affligé : Mais parce que d’abord j’avois creû qu’elle avoit espousé Megabise ; & qu’en suite j’avois apris que cela n’estoit pas : il y avoit quelques moments, où un petit sentiment de joye, se mesloit à ma douleur malgré moy : & me donnoit quelques instans de consolation. Mais enfin Seigneur, apres que Menaste m’eut fait jurer cent & cent fois, que je n’aimois point Anatise ; elle commença de m’exagerer, les obligations que j’avois à Amestris ; sa fidelité pour moy ; sa rigueur pour Megabise : & pour me la faire mieux comprendre, elle me conta comme quoy elle luy avoit deffendu de la voir jamais : & comme il le luy avoit promis, dans le Jardin du Parterre de gazon, où le hazard les avoit fait rencontrer. Ha Menaste, luy dis-je en l’interrompant, si vous estes veritable, que mes yeux m’ont cruellement trahy ! & qu’ils m’ont rendu un mauvais office. Tant y a Seigneur, que Menaste ne me disant que des choses vrayes, & trouvant mon ame attendrie par la douleur, il luy fut aisé de me persuader : & le bandeau que la jalousie m’avoit mis devant les yeux, estant tombé ; je vy tout d’un coup, ce que je ne voyois point auparavant : c’est à dire qu’Amestris me parut innocente, & que je me trouvay coupable. Apres cela, Menaste me conta tout ce que je vous ay desja dit : le desespoir d’Amestris de me voir inconstrant, & de sçavoir que j’avois esté jaloux, sans pouvoir deviner de qui : en suitte le bizarre dessein qu’elle avoit pris d’espouser Otane, pour se justifier dans mon esprit : sçachant bien qu’il estoit impossible que ce fust luy qui m’eust esté suspect. Enfin, me dit Menaste, pouvant estre le plus heureux de tous les hommes, & rendre Amestris tres contente ; vous vous estes