Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/558

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rendu malheureux, & l’avez renduë elle mesme beaucoup plus infortunée que vous. Ha Menaste, cela n’est pas possible m’écriay-je, & rien ne peut egaler mon malheur. Elle me conta encore, comment la querelle que j’avois avec Megabise, avoit hasté sa bizarre resolution : qu’apres ayant disparu, & Anatise s’en estant allée aux champs en mesme temps, elle avoit pensé que ce voyage estoit concerté, & qu’enfin ayant dit à ceux qui luy parloient tous les jours d’Otane, qu’elle estoit resoluë de l’espouser pourveû que l’on ne fist pas trainer la chose en longueur ; à l’instant mesme l’on en avoit demandé la permission au Roy, qui l’avoit accordée volontiers : pensant par ce moyen nous accommoder plustost Megabise & moy : nous ostant également, la principale cause de nos differens. Menaste me dit mesme que l’on croyoit que le Roy en avoit parlé à mon Pere, comme en effet la chose estoit ainsi : & que mon Pere pensant m’obliger, veû la froideur qu’il avoit remarquée en moy pour Amestris ; & estant bien aise que je n’eusse plus d’interests d’amour à démesler avec Megabise, avoit luy mesme prié le Roy de conclurre ce mariage. Bref Seigneur, Menaste me dit que la chose avoit esté si secrette, que l’on ne l’avoit sçeuë que lors qu’ils estoient allez au Temple pour se marier. Helas Aglatidas, me dit-elle, si vous eussiez veû Amestris en cét estat, vous eussiez bien plus tost creû vous eussiez bien connu son innocence par sa douleur. Je la vy, poursuivit elle, une heure auparavant cette funeste ceremonie : & elle ne m’aperçeut pas plustost, que me regardant avec les larmes aux yeux, je ne sçay, me dit elle, si l’inconstrant