Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/569

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pas non plus à l’advenir me persuader rien qui le justifie. Je souhaite seulement, qu’il se repente de son crime, afin qu’il en soit puny par luy mesme : Mais sçachez que tant que je ne croirois Aglatidas que repentant & malheureux, il ne mettroit pas la fermeté de mon ame à une dangereuse espreuve : & il faudroit pour me proposer quelque chose de bien cruel pour moy, me dire que je me suis trompée ; qu’Aglatidas ne fut jamais coupable ; que ce que j’ay veû estoit une illusion ; qu’il m’a tousjours esté fidelle ; qu’il n’a jamais aimé Anatise ; & qu’il a tousjours aimé Amestris. J’avoüe Menaste, que si l’on m’avoit persuadé tout cela, je serois plus malheureuse que je ne suis : & quoy que je n’en devinsse pas plus criminelle, j’en deviendrois sans doute bien plus infortunée. Mais à vous dire la verité, c’est ce qui ne sçauroit arriver : & c’est ce que je ne dois pas craindre. Pleust aux Dieux, luy dit Menaste qu’il me fust possible d’empescher, que vous ne connussiez l’innocence d’Aglatidas : L’innocence d’Aglatidas ! reprit Amestris : he de grace ne vous joüez point de mon malheur : il est trop grand, Menaste, pour servir à vostre divertissement : & je suis trop vostre Amie, pour me traiter de cette sorte. Non, luy respondit elle, je parle serieusement : Aglatidas a eu de l’imprudence, mais il ne fut jamais infidelle. Quoy, repliqua Amestris, Aglatidas n’a point aimé Anatise ? Aglatidas, respondit Menaste, n’a jamais rien aimé que vous. Dieux, s’escria cette sage Personne, impitoyable & cruelle fille que vous estes, pourquoy me parlez vous ainsi ? si ce que vous dittes est faux, pourquoy me le dittes vous ? Et s’il est veritable, que ne me l’avez vous