Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/570

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dit plus tost, ou que ne me le cachez vous eternellement ? Je ne vous l’ay pas dit plus tost, respondit Menaste, parce que je ne l’ay point sçeu : & je ne vous l’ay pû cacher, parce qu’Aglatidas est resolu de vous le dire luy mesme. Ha (repliqua precipitamment Amestris, le visage tout changé) soit qu’Aglatidas soit coupable ou innocent, je ne le veux plus voir de ma vie : s’il est coupable, il n’en est pas digne : & s’il est innocent, je serois criminelle de le souffrir. Ainsi Menaste, ne me parlez plus d’Aglatidas : il n’occupe que trop ma memoire ; il n’est que trop dans mon cœur ; & pleust au Ciel qu’il y fust moins. A ces mots elle se teut : & Menaste voyant tant de trouble dans son esprit, se repentit de ce qu’elle m’avoit promis : & fut aussi assez long temps sans oser parler davantage. Quelques moments s’estant passez de cette sorte, Amestris la regarda les yeux moüillez de larmes ; & reprenant la parole, avec moins de violence. Mais encore, luy dit elle, Menaste, qui vous a obligée de me parler ainsi ? Je n’oserois plus vous le dire, luy respondit elle ; & voyant que l’innocence d’Aglatidas vous afflige autant que son crime vous affligeoit, je pense qu’il vaut mieux ne vous parler jamais de luy, ny comme inconstrant, ny comme fidelle. Ne m’accordez pas si exactement, reprit Amestris, la priere que je vous ay faite : & sçachez, luy dit elle en rougissant, que je l’ay trop aimé, pour ne vous pardonner pas une semblable faute. Parlez donc Menaste, & dites moy de grace tout ce que vous sçavez d’Aglatidas, sans m’en déguiser aucune chose. Menaste voyant qu’en effet Amestris le souhaitoit, luy raconta tout ce qu’elle avoit sçeu de mon avanture : c’est à dire comment j’estois devenu