Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/61

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croire qu’homme de cœur, puis qu’il à desja mesuré ton espée avec la tienne. Dans les termes où est ma passion pour la Princesse, je ne te celle pas qu’il faut de necessité que je meure avant que tu la possedes : ne me prive donc pas inutilement de la gloire d’avoir contribué quelque chose, à la punition de nostre Ennemy commun, & à la liberté de la Princesse : te promettant apres cela, quand mesme le Destin me seroit favorable, & me feroit retrouver l’illustre Mandane ; de ne songer jamais à la persuader à ton prejudice ; que par un combat particulier, le fort des armes n’ait decidé de nostre Fortune. Je voy bien, Artamene, (adjousta t’il) que ce que je veux est difficile : mais si ton ame n’estoit capable que des choses aisées, tu serois indigne d’estre mon Rival. Il est vray, reprit Artamene, qu’il ne m’est pas aisé de faire ce que tu desires : & qu’il me fera bien plus facile, de terminer nos differens, te faisant redonner une espée ; que de t’accorder cette liberté que tu me demandes ; & qui n’est pas peut-estre tant en mon pouvoir que tu le crois. Comme mon amour n’est pas moins forte que la tienne, reprit le Roy d’Assirie, peut-estre que le desir de combattre n’est pas moins violent dans mon cœur, que dans celuy d’Artamene : Mais comme je ne veux combattre Artamene que pour la possession de la Princesse ; & qu’elle n’est pas en estat de pouvoir estre le prix du Vainqueur ; il faut Artamene, il faut aller apres le Ravisseur de Mandane, & travailler conjointement à sa liberté, y ayant égal interest. Ne consideres tu point que si nous perissions tous deux dans ce combat, Mandane, l’illustre Mandane, demeureroit sans protection & sans