Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/23

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s’éclaircir de ce que l’on faiſoit au Chaſteau : & il y avoit une conſternation ſi tumultueuſe par toute la ville ; qu’il eſtoit aiſé de voir qu’on la feroit paſſer facilement à la revolte declarée. Ce qui augmentoit encore la confuſion, eſtoit l’ordre que Metrobate avoit donné, de ne laiſſer plus entrer ny ſortir perſonne : Car ceux qui eſtoient venus du Camp à la Ville y voulant retourner ; & ceux qui eſtoient allez de la Ville au Camp y voulant revenir ; ils ne pouvoient ſouffrir qu’on les en empeſchast. Les uns voulant faire effort pour rentrer, & les autres pour ſortir ; il y avoit un ſi grand vacarme aux portes, que le bruit s’en eſpandant par toute la ville, produiſit pourtant un bien. Car comme tous les Soldats que Metrobate avoit fait venir de Pterie, eſtoient occupez ou aux portes de la Ville, ou au Chaſteau ; il fut plus aiſé à Madate durant l’obſcurité de la nuit qui eſtoit ſurvenuë, de ſe jetter dans le foſſé, par un endroit de la muraille où l’on ne prenoit point garde. Il fut donc en diligence au Camp, faire sçavoir à tous les Perſans, qu’Artamene eſtoit Cyrus, & que leur Prince eſtoit preſt de mourir, s’ils n’expoſoient leurs vies pour ſauver la ſienne. Lors qu’il y arriva, il trouva deſja tout le Camp en émotion : par le retour de pluſieurs Capitaines, & de grand nombre de Soldats, que l’on n’avoit point voulu laiſſer entrer dans la ville : & qui diſoient qu’aſſurément l’on faiſoit mourir Artamene : & peut-eſtre auſſi tous leurs Chefs & tous leurs Princes. Madate trouva donc dans cette Armée toute la diſposition neceſſaire à la ſouslever : s’il rencontroit des Capitaines, c’eſt à vous, leur diſoit il, à ſauver l’invincible Artamene : vous qui avez partagé ſa gloire, & qu’il à tant favoriſez.