Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/62

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s’entretenir de ſa chere Princeſſe, avec Marteſie, à laquelle ſeule il en vouloir parler. D’abord qu’elle le vit dans ſa chambre, elle voulut luy rendre grace de l’honneur qu’il luy faiſoit : mais Cyrus ne voulant pas ſouffrir qu’elle continuaſt à le remercier. Non non, luy dit il, aimable Marteſie, vous n’avez pas ſujet aujourd’huy de me faire un compliment : la viſite que je vous fais eſt trop intereſſée pour m’en rendre grace : & je trouve tant de plaiſir à voſtre converſation, que vous ne me devez pas eſtre fort obligée des viſites que je vous rends. Seigneur (luy dit elle en abaiſſant la voix, quoy qu’il n’y euſt que la fille d’Artucas dans ſa chambre, qui s’eſtoit avancée vers Feraulas, auſſi toſt que Cyrus eſtoit entré) je sçay bien la part que je dois prendre à un diſcours ſi obligeant : & pour vous teſmoigner que je l’entens comme je dois, il faut Seigneur, il faut ne vous priver pas plus long temps du plaiſir que vous prenez à entendre parler de la Princeſſe : & vous demander enfin, ſi vous ne croyez pas qu’elle auroit eu bien de la douleur de voſtre priſon, & bien de la joye de voſtre liberté, ſi elle euſt eſté icy ? Je n’oſerois Marteſie (reprit ce Prince amoureux en ſoupirant, & en changeant de couleur) je n’oſerois le croire, de peur de me tromper : & ſi vous n’avez la bonté de diſſiper ma crainte, & de fortifier la foibleſſe de mon eſperance, je ne sçay ce que je penſeray, ny ce que je croiray. Marteſie luy ayant alors preſenté un ſiege avec beaucoup de reſpect ; en ayant auſſi pris un ; & la fille d’Artucas nommée Erenice s’eſtant appuyée contre une feneſtre pour parler à Feraulas ; Seigneur, luy dit elle, je ne penſois pas que connoiſſant comme vous faites la grandeur de l’eſprit de la Princeſſe : & devant connoiſtre auſſi