Page:Sedaine - Théâtre.djvu/357

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LAFLEUR.

Ah ! je ferai fortune.

GOTTE.

Mais, tu as lu ; est-ce que tu sais lire ?

LAFLEUR.

Oui ; quand je suis entré ici, j’ai dit que je ne savais ni lire ni écrire. Cela fait bien, on se méfie moins de nous ; et pourvu qu’on remplisse son devoir, qu’on fasse bien ses commissions, avec cela l’air un peu stupide, attaché, secret, voilà tout. Ah ! je ferai fortune. Mais avant, ô ma charmante petite Gotte…

GOTTE.

Mais, finis donc, finis donc, finis donc : tu m’as fait casser mon fil. Tiens, tes manchettes seront faites quand elles voudront. (Elle les jette par terre, Lafleur les ramasse.)

LAFLEUR.

Vous respectez joliment mes manchettes. Ah ! c’est bien brodé. Mais les as-tu commencées pour moi ?

GOTTE.

Donne, donne. Tu as donc peur de faire voir à madame que tu as de l’esprit ?

LAFLEUR.

Oui, vraiment.

GOTTE.

Vraiment ; mais ne t’y fie pas. Madame voit tout ce qu’on croit lui cacher. Il y a sept ans que je suis à son service, je l’ai bien observée : c’est un ange pour la conduite, c’est un démon pour la finesse. Cette finesse-là l’entraîne souvent plus loin qu’elle ne le veut, et la jette dans des étourderies ; étourderies pour toute autre, témoin celle-ci ; mais je ne sais pas comme elle fait. Ce qui me désolerait moi, finit toujours par lui faire honneur. Je ne suis pas sotte ; hé bien ! elle me devine une