Page:Segalen - René Leys.djvu/228

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— Ah !

— Le voilà aux prises avec les Révolutionnaires et leurs vingt ou quarante mille hommes. Il aura fort affaire. J’avoue qu’il pouvait être dangereux dans le Nord… N’en parlez à personne : je viens d’assister au dépouillement des dépêches confidentielles reçues de Han-K’eou : il en est aujourd’hui exactement à dix kilomètres… Ça nous en fait mille de Pei-king…

Je regarde René Leys avec une candeur dont je ne savais pas mon visage capable. Je suis tout à fait calmé par son calme et j’arrive prodigieusement à lui confier ceci :

— Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui ? Tu as bu ? Tu es malade ? Tu as reçu des lettres de famille ?

Il s’étonne, très candide à son tour. J’explique :

— Eh bien, moi qui n’ai reçu aucune dépêche confidentielle, je vais t’annoncer sous le sceau du secret absolu que Yuan Che-k’ai est dans nos murs…

Il prend un air très fermé… Je ris avec un peu d’aigreur :

— Jure-moi de n’en rien dire aux cinq cents personnes qui l’ont vu arriver tout à l’heure à la gare…

— À la gare ! dit René Leys, un peu déconcerté. Par quel train ? À quelle heure ?

— À l’instant.

— Pas possible.

— Oh ! j’y étais.