Page:Segalen - René Leys.djvu/229

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Et je mets en scène : les deux trains de soldats, les gardes, la foule… et les Européens que l’on ne trompe pas…

Il ne dit rien. Pour la première fois, chercherait-il ce qu’il a l’intention de m’apprendre ? Et je me tais aussi… Ce qui me redéconcerte… Et je reprends avec difficulté… (est-ce l’énervement sec de l’hiver déjà commencé ? Il y a quelque crépitation dans mes syllabes…)

— Enfin, raconte ce que tu veux sur tes amis particuliers, mais laisse-moi te parler de mes « connaissances » ! Je connais assez le « Père Yuan » pour t’affirmer l’avoir vu descendre du train spécial, le troisième, à sept heures dix de l’horloge européenne, monter en voiture (deux chevaux noirs) et entrer à Pei-king, par la porte… latérale de l’ouest, et passer Ts’ien-men-waï… et s’en aller…

Il m’interrompt avec autorité :

— Vous avez vu quelqu’un… monter en voiture ? Ce n’était pas lui.

— Hein ?

— Je vais vous confier une chose de la plus haute importance ; et que vous serez seul à connaître, avec le Régent et moi…

Je le regarde. Je lui ai fait de la peine. Il est blême comme je ne l’ai jamais vu blême… J’ajoute, pour le consoler :

— Dites.

— Le vieux Yuan est bien à Pei-king. Mais j’avais