Page:Segalen - René Leys.djvu/238

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Temps décident la lutte, sont bousculés, repoussés, et finalement acculés…

Ce qui suit ne sort plus de mon imagination. Nous en avions parlé d’avance, lui et moi. Il m’avait fait remarquer que, dans les sièges de la Cité Violette Interdite, c’est toujours aux quatre angles que s’opèrent les derniers massacres :

— C’est l’endroit le plus éloigné des portes, vous comprenez ?

— Oui. Il suffit d’un coup d’œil sur le plan.

— Sur le plan ! soupire René Leys. Il réalise sans doute que, s’il y a massacre, c’est à l’un des quatre angles qu’il tombera. Mais, lui-même, ne sait-il aucune « issue » ? Et comment, par avance, le tirer de là ? Sa place, loyalement, est bien là.

C’est avec un reposant plaisir que je le vois donc m’arriver un peu avant la nuit, la Grande Nuit. Malgré l’angoisse dynastique et les préparatifs, il consent à dîner avec moi, généreusement. Nous dînons ; lui, de grand appétit. C’est bien. Qu’il se prépare. On dessert. On s’étire. Le temps est dur en cet hiver. Il devra se couvrir. A-t-il sa fourrure ? Je sonne un boy pour l’habiller ici ; qu’il ne prenne pas froid avant l’heure ! — Et tout simplement j’ouvre la bouche pour lui réoffrir mes services, (surtout pour cette nuit-là !…). Il me prévient :

— Je ne sors pas.

Il s’installe, allongé, sur la même chaise dans le même confort, mais plus intime par huit mois de