Page:Segalen - René Leys.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais son cri se mélange à l’odeur de ce lotus à peine entr’ouvert, triomphant aussi de l’eau sourde dans ma vasque de porcelaine, au milieu de ma cour. Tout se fond et disparaît sous la pénétration de cette nuit.

René Leys n’a rien dit encore. Quel à-propos ! C’est à moi d’étoffer ce silence et ce noir… Mais non. Je songe plus clairement et plus lucidement que le grand midi sur mes toits ! Je songe, qu’allongé, la tête ici et les pieds là, tout près de ce coin sud-est de la ville tartare, je me trouve exactement étendu du nord au sud. Comme toutes les maisons, les palais ou les huttes de Pei-king, ma maison, ma hutte ou mon palais est très astronomiquement orienté, occidenté, dressant ses bâtiments majeurs exactement face au midi. Ceci est une règle impériale entre toutes « que l’Empereur soit nommé Celui qui est face au midi » ! Je me sens ainsi — non point participer à cette vie pouilleuse et « unanime » des vers grouillants sur le fumier, ou des ténias intestins, mais vivre parallèlement, dans toute la rigueur froide et mesurée du terme, parallèlement à la vie cachée du Palais, comme moi face au midi.

Il me semble que l’heure est venue de prier René Leys de me dire comment il a pu réussir à « Le » voir, autrefois, Lui, le prisonnier des Palais cardinaux ! — Est-ce à propos d’une audience ? D’un sacrifice impérial au temple du ciel ? (Mais je sais bien que les rues sont toutes barrées.) Enfin, et cette fois, je pense tout haut :