Page:Segalen - René Leys.djvu/64

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à la queue de crin rouge, que l’on coiffe par ordre aujourd’hui. Par-dessus tout, la masse ventrue dans ses lignes inclinées, le flanc violet à lèpres grises du mur, percé de la porte coiffée des trois chapes recourbées… Je sais d’instinct que la porte va s’ouvrir.

Elle s’ouvre. Un flot en débouche et me refoule. Je prends poste à l’angle de la grande avenue par lequel il faudra bien que le cortège tourne. La garde, échelonnée de dix pas en dix pas, ose à peine écarter l’Européen que je suis. On voudrait bien me faire descendre de cheval. Je descends. On me laisse libre ; et, simplement, au moyen de quelques mouvements de coude polis, on accepte ma présence au premier rang, et je vais voir…

Je vais bien voir. C’est l’heure de la sortie du Grand Conseil, tenu chaque jour avant l’aube, logiquement, afin de régler par avance de quoi sera fait ce jour-ci. Le Régent, le premier, pour regagner, hors de ces murs, ses maisons privées. La porte s’ouvre : voilà son escorte, à toute allure, droit sur moi : d’abord des ambleurs mongols, portant en vedette des étendards… puis, un extraordinaire cavalier, jeune et rond, brun de visage, trapu et vif, serrant fortement de ses courtes jambes la selle haute très arçonnée, la selle chinoise qui le juche bien plus haut que l’échine de son cheval… Un œil étincelant qui fouille à la fois la rue et les passants… Dans un éclair, voilà