Page:Segalen - René Leys.djvu/65

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toute la chevauchée tartare conquérante, aux prises, il y a deux cent quarante ans, avec la Chine soumise… Ces Mandchous, durs et mobiles, à la tresse longue, servant à lier les paquetages au-dessus du front, pour la traversée des fleuves à la remorque de la queue de leurs chevaux… Le fait est là ! Ce sont les conquérants, et depuis, par centaines de millions, les Chinois se rasent le front et tressent leurs cheveux en natte… sans jamais passer une rivière…

Le conquérant, comme les autres, en un clin d’œil, a passé la rue. Et toute la Mandchourie chevauche et semble détaler avec lui.

Toute… jusqu’à la déplorable voiture de gala européenne où j’aperçois derrière les vitres le Prince Tch’ouen : Lui, fils du Septième Prince et Régent de l’Empire, il a choisi la mode Européenne ! — Déjà ! — Et ce sont deux grands trotteurs russes qui l’emmènent, à bonne allure, je dois le reconnaître !…

Il va passer, après un autre tournant ou deux, sur le pont de Heou-men, le pont de l’attentat. Je puis donc sauter à cheval. Je suivrai au trot ou au petit galop dans les allées latérales de ces voies larges de Pei-king… Je vais…

Mais, derrière la voiture du Régent, une curieuse figure de jeune officier mandchou m’arrête net au montoir. Mince, le nez un peu fort, de beaux yeux sombres… — Je jurerais reconnaître René Leys en personne… si mon serment à ce propos n’était