Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/288

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Prussiens y seront, et la belle justice de Gambetta, Crémieux et autres polichinelles adjoints, chassera et volera les Jésuites comme ils l’ont fait partout. Fais-moi dire par ma petite Jeanne ce que tu auras décidé pour Jacques, et si tu as écrit à Thérèse et au père Argan ce que tu désires qu’ils fassent en cas de licenciement ou d’approche des Prussiens. Quelle plaie que ces Prussiens et que ces rouges impies ! Je remercie bien ma bonne Jeannette de ses aimables lettres qui lui ont déjà gagné les cœurs de Kermadio ; de même pour Jacques.


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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Kermadio, 30 décembre 1870.


Chère petite, un mot pour toi aussi, après avoir écrit aux trois petits. Je t’aime, je t’embrasse ; voici la poste qui part, je serai en retard si j’attends. Je vais bien, Dieu merci. Les affaires vont bien en Normandie ; 40,000 hommes défaits, battus, poursuivis par nos troupes, plus de blessés que de vivans ; les vivans marchant à peine, les pieds en sang ; les blessés criant, demandant la mort, cahotés dans leurs charrettes ; tous fuyant, ayant les nôtres à leurs trousses ; ne s’arrêtant même pas pour manger, pour ramasser les leurs qui tombaient de fatigue, de besoin, de douleurs. Voilà ce que X… a vu ; tous les ramassés déblatèrent contre Guillaume et Bismarck, et voudraient les étrangler de leurs mains. Voilà de quoi vous remonter et nous