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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Paris, 3o avril 1872.



Chère petite, j’ai fait bon voyage, et seule dans mon wagon jusqu’à Pont-Chartrain, où j’ai eu une invasion de savans et de guerriers quatre par quatre. Les savans ont discuté violemment le lavage des cochons ; les guerriers ont raconté leurs exploits pendant la guerre ; ils avaient tous commandé des corps d’armée et tous ont vaincu, culbuté l’ennemi et l’auraient ramené à Berlin s’ils avaient été secondés. C’est ce que j’ai compris au milieu de leurs cris ; entre les cochons et les oies du Capitole, il n’était pas facile de démêler le fil de l’histoire…

Gaston est enchanté que tu sois grosse ; il dit que cela répandra de l’animation dans la maison, qu’on n’a jamais trop d’enfants. — Paris est tranquille. M. X…, que je viens de voir et qui est bien informé par les milliers d’ouvriers qu’il emploie, dit qu’il ne se passera rien de grave d’ici à longtemps, que les ordres les plus sévères sont donnés pour empoigner les gens qui injurient et attaquent les sentinelles ou les militaires et sergens de ville, et que les ouvriers commencent à comprendre qu’il est plus dans leur intérêt de travailler tranquillement que de faire de l’insurrection qui paralyse le travail, terrifie le consommateur et ruine l’industriel… Je ferme ma lettre pour qu’elle parte aujourd’hui…


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