Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/59

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mon pauvre Jacques perdra un peu de la constance de son souvenir et de sa vive tendresse pour Nénay[1] (lisez grand’mère) ; nous ne sommes malheureusement pas destinés à vivre toujours ensemble, et puis la légère différence d’âge qui existe entre nous doit relâcher des liens formés par une parité de goûts et une entente cordiale. Je ne lui rapporte presque rien d’ici, car il n’y a que des lainages tricotés. Dis-moi si toi et Élise aimez mieux tout blanc ou mélangé; tu choisiras, du reste, dans ceux que j’apporte; il y en a un noir et blanc qui est distingué, charmant et seul de son espèce; c’est d’une légèreté de flocon de neige ou de duvet… .

Je reçois à l’instant l’heureuse nouvelle des couches de Marie ; Edgard a eu l’amabilité de m’en-voyer une dépêche télégraphique. Je réponds de même; mais je ne sais plus que faire relativement à mon départ. Voilà Nathalie qui me demande, naturellement, de prolonger mon séjour chez elle; elle dit avec raison que Marie, délicate comme elle l’est, ne sera pas visible avant quinze jours et qu’elle (Nathalie) étant si seule, se trouvera heureuse des quelques jours de plus que je pourrais lui donner. Encore une prolongation de quelques jours seulement, et j’aurai, je crois, fait ce que je devais faire. Il fait un temps affreux, un froid de mars mauvais ; impossible de se promener… J’apporte à Jeanne de bonnes petites choses pour les petits froids d’été, mais très peu, car je n’ai pas d’argent à

  1. C’est ainsi que Jacques appelait sa grand’mère. Étant tout petit, il avait inventé cette appellation qui charmait ma mère.