Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/22

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si nous voulons suivre uniquement les traces du vrai, si nous les cherchons constamment ? Une multitude prévenue, repoussant le doute, naturel asile de la sincérité, ou même de la profondeur, s’attache à des fables reproduites avec assurance. Et d’ailleurs, comment ramener à un principe toujours lumineux en partie, et néanmoins en partie caché, tant de données différentes, qui bientôt s’éloignent, à cause de la mobilité de nos inspirations ?

Connaît-on aujourd’hui la pensée des législateurs dont, à Bénarès, à Balk, à Shalembroum, on gardait du moins un vieux souvenir ? Vous examinez sous des rapports secondaires toute conception forte, et vous êtes si prompts à saisir les inconvéniens des règles inaccoutumées, que vous ne pourriez en établir aucune. En évitant l’apparence même de la bizarrerie, vous proscrivez toute originalité. En n’approuvant que ce qui est indispensable ou ce qui est usité généralement, vous perdez un vaste domaine : plus de communication entre une région circonscrite et l’immensité, plus d’option entre l’expérience et le génie.

Au lieu de prétendre, dites-vous, réaliser des songes, au lieu de s’occuper de ce qui est resté sans exemple, la prudence s’arrête aux détails directement utiles, et ne propose pas à la faiblesse des