Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/23

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hommes une trop difficile perfection. Reconnaissez au contraire qu’il importe de se faire une idée du bien absolu, non pas précisément avec l’espoir d’y atteindre, mais afin de s’en écarter moins que si nous prenions pour le seul terme de nos efforts ce qu’ils doivent toujours produire. Il est temps d’écouter la leçon transmise par tous les âges. Ouvrons devant les peuples le livre de leurs désastres : c’est dans l’abus du besoin de jouir que nous découvrirons les premiers anneaux de cette chaîne de douleurs.

Rappelons aux législateurs, s’il en est encore, que la nature a mis leur disposition des moyens variés. La sagesse a deux objets ; tout ce qui est de l’homme se trouve dans ces deux points de vue. Observons ce que les nations ou les particuliers pourraient entreprendre, dans l’ordre actuel, afin d’améliorer leur sort, et ce qui serait le meilleur en tout temps, ce qui serait le plus conforme aux lois invariables, sans s’opposer absolument à la diversité de nos conventions passagères.

Les jours de l’homme sont plus longs ou plus assurés que ceux de la plupart des animaux connus. Sa vie serait mieux remplie, elle serait heureuse, si une manière de voir moins inégale, si une manière de sentir moins exigeante, pouvait prévaloir. Les