Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/35

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ses se trouverait-il mauvais, ou même bon dans le sens ordinaire : supposera-t-on pour le tout des convenances extérieures ? Avec quelle autre série de phénomènes sera-t-il en relation ? ou bien veut-on que l’univers s’accorde avec le néant (D) ?

» La justice, le mal, l’ordre ou les obstacles n’ont lieu que relativement à notre petitesse. Ces relations circonscrites ont de la réalité pour nous ; mais elles sont nulles dans l’univers où les faits se succèdent avec une même nécessité. Que des mortels se réjouissent, qu’ils souffrent, qu’ils se fortifient, qu’ils expirent, cela ne s’écarte point des lois premières. Quelle sera demain l’importance de ce rire ou de ces gémissemens, de cette retenue ou de ces fureurs ? La même campagne renferme des volcans et des vergers ; la même cité nourrit et le citoyen timoré qui se dévouera pour en maintenir les lois, et les ambitieux qui la dévasteront ; une même ruine confond ce qui paraissait à craindre, et ce qu’on voulait choisir ; l’instinct et la pensée, le désir et le génie se dissipent dans un même oubli.

» Quand des globes sont renouvelés, ils ne conservent aucune trace de ce qu’on y maudissait dans un autre âge, ou de ce que peut-être on y divinisait. Dans l’espace sans bornes circulent de loin en loin ces amas d’une matière inerte, sur laquelle fermen-