Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/36

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tent, déraisonnent et espèrent des êtres agités qui tous retombent dans le silence et la profonde nuit. Les hommes, ainsi que les insectes, les peuples comme les familles appartiennent à la mort, et la nature est vivante ; les effets changent, mais la cause de cette inconstance ne changera pas. Une même fécondité, une même force entraîne et la fleur qui s’ouvre, et la feuille qui tombe, et les êtres muets, et les êtres animés ; la poussière des mondes dissous formera des mondes nouveaux, qui doivent s’éteindre aussi et se décomposer dans cette sombre fantaisie de ruine perpétuelle.

» De cette mutation que résulte-t-il ? Le mouvement toujours et partout ; il paraît le seul résultat des formes. Le plus grand mouvement sera la seule fin visible des êtres. Quelquefois, il est vrai, nous supposerions possible plus d’activité que nous n’en voyons, mais alors sans doute elle ne pourrait pas se prolonger : elle doit être considérable à chaque heure, et surtout elle doit subsister à jamais.

» Nous ne saurions imaginer une autre raison des choses passagères. Les yeux sont faits pour que l’animal voie, mais non pas expressément pour son avantage. La vue sert à éviter de nombreux périls ; mais est-ce seulement dans ce but que ce sens fut donné aux animaux (E) ? Ils peuvent connaître un