Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/360

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Note B. (page 8.)

Quelque défectueux que soit le titre de Rêveries adopté pour ces recherches, il paraîtrait difficile à remplacer, et d’ailleurs on eût dû le changer plus tôt. Du moins il annonce que ce n’est pas ici un traité didactique, ou un ouvrage savant et régulier.

Jean-Jacques avait choisi, pour quelques morceaux écrits à peu près à la même époque que ses Confessions, le titre de Rêveries du Promeneur Solitaire. Rêver ainsi, c’est penser avec quelque abandon. Jean-Jacques aimait le repos qui se mêle à cette sorte d’activité insuffisante peut-être, mais exempte de prétention. « Rarement, disait-il, j’ai pensé avec plaisir. La réflexion me fatigue et m’attriste ; la rêverie me délasse et m’amuse. Quelquefois mes rêveries finissent par la méditation, mais le plus souvent mes méditations finissent par la rêverie. »

Ceux qui voudraient qu’on ne publiât que des livres presque parfaits semblent n’avoir pas vu la chose sous tous ses rapports. Il faudrait aussi distinguer un livre sérieux d’un livre d’agrément. Il est à désirer que tout objet d’art soit à peu près accompli, mais d’autres ouvrages doivent être jugés selon d’autres règles. On s’impose trop peu de gêne, sans doute, lors qu’on prétend excuser tous les défauts d’un livre, sous prétexte qu’il doit être en quelque sorte l’inspiration d’une pensée indépendante. Mais ne se pourrait-il pas qu’une exception commode en effet n’eût pourtant rien de blâmable, pourvu qu’on