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Note C. (page 20)

Plusieurs anciens paraissent avoir connu tout l’empire de la législation sur les hommes. Lycurgue, après Minos, a fait ce qu’on déclarerait impraticable à jamais, s’il ne l’eût point réalisé. Nous ne donnerons pas précisément pour modèle les institutions du Jourdain ou de l’Eurotas, mais ce sont du moins des exemples qui s’éloignent des coutumes actuelles. On pourrait s’en écarter d’une manière plus heureuse que ne l’ont fait les oppresseurs de la Messénie.

Persuadés qu’une forte législation n’est pas toujours une idée chimérique, Minos et Moïse ne se sont pas conformés docilement à ce qui existait avant eux, comme à une loi du monde ; ils n’ont pas cru que l’ordre naturel eût cette inflexibilité. C’est en cela surtout qu’il ont été très-remarquables, et que l’avaient été, selon les apparences, d’autres hommes des siècles antérieurs.

Il ne s’agit pas de savoir jusqu’à quel point furent bonnes les vues suivies alors ; mais si elles étaient hardies, et si pourtant elles eurent du succès. Obtiendrait-on aujourd’hui, à force de raison et de justesse, l’assentiment durable, préparé, ou plutôt exigé, autrefois par des moyens peu sincères ? Voilà une question difficile et importante, à laquelle cinq ou six personnes en Europe pourraient prendre quelque intérêt.

« On pardonne aux législations antiques d’avoir pu soumettre à des lois éternelles des hommes ignorans et gros-