Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/397

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrivains s’éloigner un peu de ce genre dès que leur esprit, exercé avec plus de suite, dispose de toutes les forces dont il était susceptible. On a été exclusivement romantique par indocilité ou par étourderie ; on cesse de l’être quand on devient moins paresseux ou moins maladroit, quand on songe à la postérité dont les jugemens à notre égard seront exempts de précipitation.

Après avoir visité les demeures élégantes, les riches domaines, les larges et fertiles vallées de la Lombardie, peut-être avez-vous franchi les Alpes, et parcouru, sous un ciel moins doux, au bruit des torrens, les vallons presque ignorés de Glaris et de l’Engadine. La nature peut changer d’apect sans cesser d’être belle. Comparez entre eux ces souvenirs ; ce sont des différences analogues qui caractérisent le genre classique lorsqu’il est exempt de froideur, et le genre romantique quand on se décide à en bannir l’extravagance. Un morceau est romantique sans devenir condamnable, si l’auteur y a cherché des effets, et s’il y a laissé des négligences que nous ne puissions pas attribuer au mépris de toutes les règles. L’ordre est-il vraiment rétabli, mais non pas avec un soin trop scrupuleux, le même morceau rentre dans le domaine classique. Des pages de Pascal, des passages de Bossuet, et même quelques vers de Racine pourraient être réclamés de part et d’autre. Si les deux méthodes n’étaient suivies que par des esprits supérieurs, on serait plus près de les confondre, et la lutte cesserait.

Quelqu’un a dit que le goût romantique était un expédient afin de se passer de sentimens et d’idées. Mais des inversions étrangères, des mouvemens forcés, des mots choisis pour se heurter brusquement, toute cette affecta-