Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/60

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Un moment d’alarme, une difficulté qu’il faudra vaincre, un site inculte, la voix de l’homme robuste sur les plateaux élevés rappellent cette sorte de puissance que notre industrie pourrait exercer dans un sens plus favorable, ce perfectionnement dont nous devions être et l’instrument et l’objet. Faut-il éviter ce qui nous avertit de nos pertes ? Le pourrons-nous ? Que de fois un regard, un son, une odeur nous disent que les facultés humaines ne se bornent pas à l’instinct de se nourrir, ou d’accomplir par imitation les devoirs de sa vie positive.

Cette existence ordinaire, seule réelle, dit-on, ou seule certaine, n’est-elle pas elle-même semblable aux songes ? Nous ne lui connaissons point de but, nous ne lui voyons pas de fécondité. Durant le sommeil aussi, nous rencontrons des sujets d’émotions suivies, et ils sont remplacés par d’autres images dont le rapprochement devient bizarre. Le même mélange caractérise les suppositions de la nuit et les sentimens du jour. Souvent on a cru saisir dans les rêves quelque chose de plus séduisant ou de plus achevé. Quand l’homme veille, il médite ; ainsi retenu par des liens nombreux, il ne peut ni jouir, ni souffrir sans réserve ou sans compensation. Pendant la nuit, au contraire, livrés avec plus d’abandon aux rapports abstraits dont nous restons oc-