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perpétuera jusque dans la vieillesse, au moins par des regrets qui ne seront pas sans douceur. Le sort toujours précaire, ou le temps irrévocable déconcertent nos désirs, et nous voyons nos goûts s’éteindre comme nos passions successives : l’habitude est la seule pente sans aspérités où les heures anciennes semblent se reproduire jusqu’à l’heure dernière.

Le pouvoir de l’exemple est, en partie du moins, le pouvoir de l’habitude. Au défaut de notre propre expérience, celle des autres détermine notre conduite ; c’est obtenir avec moins de peine un résultat presque semblable. Sans rien hasarder, sans nous exposer à des suites funestes, nous nous livrons à la confiance que donnent des épreuves répétées. Nous commençons à jouir avec une sécurité acquise laborieusement par d’autres hommes, nous leur avons laissé les soins de la culture, et, d’une main plus heureuse, nous cueillons les fruits à l’instant même de la maturité.

L’empreinte reçue dans les premiers ans paraît ineffaçable, et souvent même une situation meilleure nous satisferait peu : nous ne retrouverions pas nos premières jouissances. L’homme entreprenant, ou l’homme violent et farouche, se soustrairont peut-être au pouvoir de l’habitude, et un ca-