Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/75

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tempérées. Soutenus alors par l’espoir universel, nous croyons notre destinée plus facile, plus douce, plus abondante peut-être en résultats favorables. Quand la nature est jeune avec plus d’évidence, des idées de perpétuité reculent le terme de nos heures, comme si le printemps même ne les consumait pas, ou comme s’il nous était donné de revivre chaque fois avec ce qui jouit de son moment.

Les longs jours du solstice ont trop de beauté ; les choses naturelles se montrent alors avec trop de puissance. La salubrité de l’air, une riche végétation, le calme des nuits, tout rappelle ce que nous ne trouverons plus, tout commande ce qu’on ne peut accomplir. Dans cet ordre si animé, quel vide pour l’homme assujéti à de nombreux et de froids besoins ! Des souffrances amères nous irriteraient, mais nous résisterions, ou certains même de succomber, nous voudrions périr avec courage. Si nous sommes abattus, c’est quand nous voyons que les biens resteront inutiles, et qu’il n’est plus d’espérance dans nos cœurs. Les atteintes du mal nous importunaient sans nous accabler, sans nous affaiblir. Une tristesse plus profonde naîtra de la vanité de nos joies, une tristesse irrémédiable.

Ni les frimas dans les champs dépouillés de verdure, ni les nuits brumeuses des contrées polaires, ou lèvent