Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portune ce qui respire sous le ciel aride, et fait de cette solitude trop belle un amer abandon.

Les pluies froides que je venais d’éprouver en passant le Jorat, qui n’est qu’une butte auprès des Alpes, et les neiges dont j’ai vu se blanchir alors les monts de la Savoie, au milieu de l’été, m’ont fait penser plus sérieusement à la rigueur, et plus encore à la durée des hivers dans la partie élevée de la Suisse. Je désirais réunir les beautés des montagnes et la température des plaines. J’espérais trouver dans les hautes vallées quelques pentes exposées au midi, précaution bonne pour les beaux froids, mais très-peu suffisante contre les mois nébuleux, et surtout contre la lenteur du printemps. Décidé pourtant à ne point vivre ici dans les villes, je me croyais bien dédommagé de ces inconvénients si je pouvais avoir pour hôtes de bons montagnards, dans une simple vacherie, à l’abri des vents froids, près d’un torrent, dans les pâturages et les sapins toujours verts.

L’événement en a décidé autrement. J’ai trouvé ici un climat doux ; non pas dans les montagnes, à la vérité, mais entre les montagnes. Je me suis laissé entraîner à rester près de Saint-Maurice. Je ne vous dirai point comment cela s’est fait, et je serais très-embarrassé s’il fallait que je m’en rendisse compte.

Ce que vous pourrez d’abord trouver bizarre, c’est que l’ennui profond que j’ai éprouvé ici pendant quatre jours pluvieux a beaucoup contribué à m’y arrêter. Le découragement m’a pris ; j’ai craint pour l’hiver, non pas l’ennui de la solitude, mais l’ennui de la neige. Du reste, j’ai été décidé involontairement, sans choix, et par une sorte d’instinct qui semblait me dire que tel était ce qui arriverait.

Quand on vit que je songeais à m’arrêter dans le pays, plusieurs personnes me témoignèrent de l’empressement