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INTRODUCTION.

plus tard, en 1587, elle se montre encore, pédantesquement réglée par le fameux Bacon, dans les Infortunes d’Arthur que les étudiants de Gray’s Inn jouent devant Sa Majesté la reine Élisabeth. Dans Hamlet, le drame vengeur que le prince de Danemark fait représenter devant le roi Claudius est précédé d’une parade muette qui en résume d’avance les principales scènes. Cette parade, artificiellement introduite ici par Shakespeare, est tout à fait conforme à la tradition scénique du moyen âge. Shakespeare, du reste, dans son théâtre authentique, n’a pas absolument condamné la pantomime ; il l’a acceptée parfois, mais toujours en la transfigurant. Il l’a admise dans Henry VIII, pour rendre sensible à nos yeux l’apothéose de Catherine d’Aragon, — dans Cymbeline, pour nous révéler la radieuse vision de Posthumus prisonnier, — dans la Tempête, pour évoquer sur la scène la fantasmagorie surnaturelle qui doit terrifier les princes coupables. Mais dans toutes ces circonstances, on le voit, la pantomime jaillit en quelque sorte des entrailles du sujet ; loin d’être une superfétation, un dédoublement de l’action, elle en est au contraire le lumineux complément. Sa suppression ferait lacune. Il n’en est pas de même dans Périclès. Quand le prince de Tyr, nouvellement marié à Thaïsa, prend congé de son beau-père le roi Simonide, il le fait dans une scène muette. Pourquoi ? Plus tard, c’est également, par un jeu muet que Périclès, amené par le tyran Cléon devant le prétendu tombeau de sa fille Marina, manifeste sa douleur paternelle ; le malheureux donne tous les signes du désespoir, il lève au ciel ses yeux mouillés de larmes, il s’arrache les cheveux, il revêt un cilice, mais il lui est interdit de pousser un cri. Pourquoi ? on se le demande. La pantomime ici n’est justifiée par aucune nécessité dramatique. Elle est extérieure au sujet. C’est un archaïsme, et rien de plus.

Un dernier trait caractéristique de Périclès, c’est le fré-