Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/191

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SCÈNE III.

pas. — Le soleil, qui flétrit le foin, nourrit le gazon. — Le roi, qui pourrait t’abaisser, t’élèvera. — Les poëtes écrivent que la lance du grand Achille — pouvait guérir la blessure qu’elle faisait ; la morale de ceci, — c’est que les puissants de la terre peuvent réparer le mal qu’ils font. — Le lion donne grâce à ses mâchoires sanglantes — et ennoblit sa curée, en se montrant clément — quand la peur vassale rampe tremblante à ses pieds. — Le roi absorbera ta honte dans sa gloire ; — et ceux qui lèveront les yeux vers lui pour t’apercevoir — seront aveugles en regardant le soleil. — Quel mal une goutte de poison peut-elle faire à la mer dont les vastes abîmes peuvent digérer l’impureté — et lui faire perdre son action ? — Le grand nom du roi tempérera tes fautes, — et donnera à la coupe amère de l’opprobre — le goût le plus mielleux et le plus délicieux. — D’ailleurs, il n’y a pas de mal à faire un acte — qu’on ne peut sans scandale s’abstenir de faire. — C’est ainsi qu’au nom de sa majesté — j’ai paré le péché de vertueuses sentences, — et j’attends ta réponse à sa requête.

la comtesse.

— Siège monstrueux ! Malheureuse que je suis — d’avoir échappé au danger de mes ennemis, — pour être investie dix fois plus douloureusement par ceux que j’aime ! — Pour souiller ma vie pure, n’avait-il d’autre moyen — que de corrompre l’auteur de ma vie — et d’en faire son infâme et vil solliciteur ? — Il n’est pas étonnant que le rameau soit infecté, — quand le poison a envahi la racine. — Il n’est pas étonnant que l’enfant meure de la lèpre, — quand la mère cruelle a empoisonné sa mamelle. — Eh bien donc, donnez au crime un blanc-seing pour mal faire, — et lâchez à la jeunesse les rênes de la périlleuse liberté. — Raturez la stricte interdiction de la loi, — et annulez tous les canons qui prescrivent — la honte pour la honte et la pénitence pour l’offense. — Non ! que je meure, si sa trop im-