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SCÈNE XIV.

le prince de galles.

— Cher Audley, si me bouche sonne ton heure suprême, — mes bras seront ton tombeau. Que puis-je faire — pour préserver ta vie ou pour venger ta mort ? — Veux-tu boire le sang des princes captifs ? — Si cela peut te guérir, propose une santé avec du sang de roi, et je te ferai raison. — Si la gloire peut exempter de la mort, — que l’impérissable gloire de cette journée — te soit attribuée tout entière, Audley, et vis.

audley.

— Prince victorieux, à qui la captivité d’un roi — assure la renommée d’un César, — si je pouvais tenir la mort sinistre en respect — jusqu’à ce que j’eusse vu mon maître, ton royal père, — mon âme abandonnerait bien volontiers cette forteresse de me chair, — ce tribut mutilé, — aux ravages des ténèbres, de le poussière et de la vermine.

le prince de galles.

— Rassure-toi, homme intrépide ! ton âme est trop fière — pour rendre sa cité à cause d’une petite brèche, — et, pour se laisser séparer de son époux terrestre — par l’épée mollement trempée d’un Français. — Tiens, pour soutenir ton existence, je te donne — un revenu annuel de trois mille marcs en terre anglaise.

audley.

— J’accepte ton présent, pour payer la dette que j’ai contractée. — Ces deux pauvres écuyers m’ont délivré des Français — au risque héroïque de leur précieuse vie. — Ce que tu m’as donné, je le leur donne ; — et, si tu m’aimes, prince, tu ratifieras — ce legs de mon suprême testament.

le prince de galles.

— Illustre Audley, vis, et accepte de moi — ce présent doublé pour ces écuyers et pour toi. — Mais, que tu vives ou que tu meures, ce que tu as donné — à ces hommes leur appartiendra en toute immunité, à eux et à leurs des-