Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/72

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PÉRICLÈS.

frapper, affecta de me cajoler ; mais, tu sais cela, — c’est quand les tyrans semblent caressants qu’il faut les craindre. — Cette crainte m’ayant saisi, j’ai fui jusqu’ici, — sous le couvert d’une nuit favorable — qui fut ma bonne protectrice ; et, une fois ici, — j’ai réfléchi à ce qui s’était passé, à ce qui pourrait s’ensuivre. — Je le savais tyrannique ; or, les soupçons des tyrans, — loin de diminuer, s’accroissent plus vite que leurs années. — S’il soupçonne, comme il le fait sans doute, — que je révélerai à l’air attentif — de combien de princes il a versé le sang — pour garder le secret de son lit ténébreux, — afin de couper court à cette inquiétude, il couvrira ce pays d’armées ; — sous prétexte d’un outrage que je lui aurai fait ; — et alors, pour mon offense, si c’en est une, tous — auront à supporter les coups de la guerre, qui n’épargne pas l’innocence. — Ma sollicitude pour tous (y compris toi-même, — qui en ce moment me la reproches)…

HÉLICANUS.

Hélas, seigneur !

PÉRICLÈS.

— A fait refluer le sommeil de mes yeux, le sang de mes joues, — et affluer dans mon esprit mille inquiétudes, mille appréhensions ; — j’ai cherché les moyens de conjurer la tempête, avant qu’elle éclate ; — et, ayant trouvé bien faibles les chances de salut, — j’ai cru, en m’en affligeant, faire acte de charité princière.

HÉLICANUS.

— Eh bien, monseigneur, puisque vous m’avez donné permission de parler, — je parlerai franchement. Vous redoutez Antiochus ; — et c’est justement, à mon avis, que vous redoutez ce tyran — qui, soit par une guerre ouverte, soit par une trahison cachée, — veut vous ôter la vie. — Conséquemment, monseigneur, voyagez pendant quelque temps, — jusqu’à ce que sa colère furieuse soit passée, —