Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/123

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épouse ; et sa sœur a été empoisonnée par elle : elle l’a avoué.

Edmond. – J’étais engagé à l’une et à l’autre ; et dans un même instant nous voilà mariés tous trois !

Albanie. – Qu’on apporte leurs corps, vivants ou morts – Ce jugement du ciel nous épouvante, mais ne nous touche d’aucune pitié.

Le gentilhomme sort. Entre Kent.

Edgar. – Voilà Kent qui vient, seigneur.

Albanie. – Oh ! est-ce lui ? — Les circonstances ne permettent pas ici les formes que demanderait la politesse.

Kent. – Je suis venu souhaiter le bonsoir pour toujours à mon maître et à mon roi. N’est-il point ici ?

Albanie. – Quel soin important nous avions oublié ! — Parle, Edmond : où est le roi ? où est Cordélia ? — Vois-tu ce spectacle, Kent ?

On apporte les corps de Régane et de Gonerille.

Kent. – Hélas ! et pourquoi ?

Edmond. – Eh bien ! pourtant Edmond était aimé ! L’une a empoisonné l’autre par amour pour moi, et s’est poignardée après.

Albanie. – C’est la vérité – Couvrez leurs visages.

Edmond. – La respiration me manque, je me meurs…. Je veux faire un peu de bien en dépit de ma propre nature…. Envoyez promptement…. hâtez-vous…. au château : mon ordre écrit met en ce moment en danger la vie de Lear et de Cordélia…. Ah ! envoyez à temps.

Albanie. – Courez, courez ; oh ! courez.

Edgar. – Vers qui, monseigneur ? qui en est chargé ? — Envoie donc ton gage de sursis.

Edmond. – Tu as raison. Prends mon épée ; remets-la au capitaine.

Albanie. – Hâte-toi, sur ta vie !

Edgar sort.

Edmond. – Il a été chargé par ta femme et par moi d’étrangler Cordélia dans la prison, et d’accuser de sa mort son propre désespoir.