Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/463

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moitié chair et moitié poisson. Le diable les emporte ! ils ne paraissent jamais que je ne pense à être noyé ; maître, je ne sais pas comment font les poissons pour vivre dans la mer.

Premier Pêcheur : Eh ! comme les hommes à terre : les gros mangent les petits. Je ne puis mieux comparer nos riches avares qu’à une baleine, qui se joue et chasse devant elle les pauvres fretins pour les dévorer d’une bouchée. J’ai entendu parler de semblables baleines à terre, qui ne cessent d’ouvrir la bouche qu’elles n’aient avalé toute la paroisse, église, clochers, cloches et tout.

Périclès : Jolie morale !

Troisième Pêcheur : Mais, notre maître, si j’étais le sacristain, je me tiendrais ce jour-là dans le beffroi.

Second Pêcheur : Pourquoi, mon camarade ?

Troisième Pêcheur : Parce qu’elles m’avaleraient aussi, et qu’une fois dans leur ventre, je branlerais si fort les cloches qu’elle finirait par tout rejeter, cloches, clochers, église et paroisse. Mais si le bon roi Simonide était de mon avis…

Périclès : Simonide !

Troisième Pêcheur : Nous purgerions la terre de ces frelons qui volent les abeilles.

Périclès : Comme ces pêcheurs, d’après le marécageux sujet de la mer, peignent les erreurs de l’homme et de leurs demeures humides ils passent en revue tout ce que l’homme approuve et invente. Paix à vos travaux, honnêtes pêcheurs.

Second Pêcheur : Honnête !… bonhomme, qu’est-ce que cela ? Si c’est un jour qui vous convienne, effacez-le du calendrier, et personne ne le cherchera.

Périclès : Non, voyez, la mer a jeté sur votre côte…

Second Pêcheur : Quelle folle d’ivrogne est la mer, de te jeter sur notre chemin !

Périclès : Un homme que les flots et les vents, dans