Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/273

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— l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté, — les angoisses de l’amour méprisé, les lenteurs de la loi, — l’insolence du pouvoir et les rebuffades — que le mérite résigné reçoit des créatures indignes, — s’il pouvait en être quitte — avec un simple poinçon ? Qui voudrait porter ces fardeaux, — geindre et suer sous une vie accablante, — si la crainte de quelque chose après la mort, — de cette région inexplorée, d’où — nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté, — et ne nous faisait supporter les maux que nous avons — par peur de nous lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ? — Ainsi la conscience fait de nous tous des lâches ; — ainsi les couleurs natives de la résolution — blêmissent sous les pâles reflets de la pensée ; — ainsi les entreprises les plus énergiques et les plus importantes — se détournent de leur cours, à cette idée, — et perdent le nom d’action (13)… Doucement, maintenant ! — Voici la belle Ophélia… Nymphe, dans tes oraisons — souviens-toi de tous mes péchés.
OPHÉLIA.

Mon bon seigneur, — comment s’est porté votre honneur tous ces jours passés ?

HAMLET.

— Je vous remercie humblement ; bien, bien, bien.

OPHÉLIA.

— Monseigneur, j’ai de vous des souvenirs — que, depuis longtemps, il me tarde de vous rendre. — Recevez-les donc maintenant, je vous prie.

HAMLET.

— Non, non pas. Je ne vous ai jamais rien donné.

OPHÉLIA.

— Mon honoré seigneur, vous savez très bien que si. — Les paroles qui les accompagnaient étaient faites d’un souffle si embaumé — qu’ils en étaient plus riches ; puis-