Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/63

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déjà était abreuvé de l’opinion des réponses véritables du Danois, menace sa mère de lui faire dire par force ce que de bon gré ne lui voulait confesser, entendit qu’elle d’autrefois se soumettant à un esclave, l’avait rendu le père du Roi de la Grande-Bretagne. De quoi le Roi fut étonné et camus : toutefois dissimulant son maltalent, aima mieux laisser un grand péché impuni que de se rendre contemptible à ses sujets qui peut-être l’eussent rejeté, comme ne voulant un bâtard qui commandât à une si belle province. — Comme donc il était marri d’ouïr sa confusion, il vint trouver le prince, et s’enquit de lui pourquoi est-ce qu’il avait repris en la Reine trois choses plus requises à une esclave et ressentant leur servitude que rien de Roi et qui eût une majesté propre pour une grande princesse. Ce Roi, non content d’avoir reçu un grand déplaisir pour se savoir être bâtard, voulut aussi entendre ce qui lui déplut autant que son malheur propre, à savoir que la Reine sa femme était fille d’une chambrière.

» Le Roi, admirant ce jeune homme, et contemplant en lui quelque cas de plus grand que le commun des hommes, lui donna sa fille en mariage, suivant les tablettes falsifiées par le cauteleux Amleth, et dès le lendemain il fit pendre les deux serviteurs du roi Fengon, comme satisfaisant à la volonté de son grand ami : mais Amleth, quoique le jeu lui plût, et que l’Anglais ne pût lui faire chose plus agréable, feignit d’être fort marri, et menaça le Roi de se ressentir de l’injure : pour lequel apaiser, l’Anglais lui donna une grande somme d’or que le prince fit fondre et mettre dans des bâtons qu’il avait fait creuser pour cet effet. Il n’emporta rien en Danemarck que ces bâtons, prenant son chemin à son pays, sitôt que l’an fut accompli, ayant plus tôt obtenu congé du Roi son beau-père, avec promesse de revenir le plus