Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/64

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tôt pour accomplir le mariage d’entre lui et la Princesse anglaise.

» Arrivé qu’il fut en la maison et palais de son oncle, dans lequel on célébrait ses propres funérailles et entrant dans la salle où le deuil était démené, ce ne fut sans causer un grand étonnement à chacun, n’y ayant personne qui ne le pensât être mort, et d’entre lesquels la plupart n’en fussent joyeux, pour le plaisir qu’ils savaient que Fengon recevait d’une si plaisante perte, et peu qui se contristaient, se souvenant de la gloire du défunt Horwendille, les victoires duquel ils ne pouvaient oublier. L’ébahissement converti que fut en risée, chacun de ceux qui assistaient au banquet funèbre de celui qu’on tenait pour mort, se moquait de son compagnon pour avoir été si simplement déçu. Comme chacun fut ententif à faire grande chère, et semblât que l’arrivée d’Amleth leur donnât plus d’occasion de hausser le gobelet, le Prince faisait aussi l’état et office d’échanson et gentilhomme servant, ne laissant jamais les hanaps vides, et abreuva la noblesse de telle sorte que tous étant chargés de vins et offusqués de viandes, fallut que se couchassent au lieu même où ils avaient pris leurs repas, tant les avaient abêtis et privés de sens, et de force de trop boire, vice assez familier et à l’Allemand et à toutes ces nations et peuples septentrionaux.

» Amleth, voyant l’opportunité si grande pour faire son coup et se venger de ses adversaires, et ensemble laisser et les actions, et le geste, et l’habillement d’un insensé, ayant l’occasion à propos, et qui lui offrait sa chevelure, ne faillit de l’empoigner ; mais voyant ces corps assoupis de vin, gisant par terre comme pourceaux, les uns dormant, les autres vomissant le trop de vin que par trop goulûment ils avaient avalé, fit tomber la tapisserie tendue par la salle sur eux, laquelle il cloua sur le