Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/65

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pavé de la salle qui était tout d’ais, et aux coins il mit les tisons qu’il avait aiguisés, et desquels il a été parlé ci-dessus, qui servaient d’attaches, les liant avec telle façon que, quelque effort qu’ils fissent, il leur fût impossible de se dépêtrer, et soudain il mit le feu par les quatre coins de la maison royale : de sorte que de ceux qui étaient en la salle, il n’en échappa pas un seul, qui ne purgeât ses fautes par le feu, et ne déchassât le trop de liqueur qu’il avait avalée, mourant tous enveloppés dans l’ardeur inévitable des flammes.

» Ce que voyant l’adolescent, devenu sage, et sachant que son oncle s’était retiré, avant la fin du banquet, en son corps de logis, séparé du lieu exposé aux flammes, s’en y alla, si que entrant en sa chambre, se saisit de l’épée du meurtrier de son père et y glissa la sienne au lieu qu’on lui avait clouée, avec le fourreau, durant le banquet : puis s’adressant à Fengon, lui dit : « Je m’étonne, Roi déloyal, comme tu dors ainsi à ton aise, tandis que ton palais est tout en feu, et que l’embrasement d’icelui a brûlé tous les courtisans et ministres de tes cruautés et détestables tyrannies ; et ne sais comme tu es assuré de ta fortune que de reposer, voyant Amleth, si près de toi, et armé des pieux qu’il aiguisa, il y a longtemps, et qui à présent est tout prêt de se venger du tort et injure traîtresse par toi faite à son seigneur et père. »

» Fengon, connaissant à la vérité la découverte des ruses de son neveu, et l’oyant parler de sens rassis, et, qui plus est, lui voyant le glaive nu en main, que déjà il haussait pour le priver de vie, sauta légèrement du lit, jetant la main à l’épée clouée de son neveu, laquelle comme il s’efforçait de dégainer, Amleth lui donna un grand coup sur le chignon du cou, de sorte qu’il lui fit voler la tête par terre, disant : — « C’est le salaire dû à