Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/85

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poëte et de surprendre les secrets du génie en travail.

De ce rapprochement naissent une foule de révélations, non-seulement sur la composition du dénoûment, mais sur celle de l’œuvre entière. Dans le drame définitif, chose remarquable, ce ne sont pas les grandes scènes que le poëte a modifiées le plus, ce sont les scènes en apparence les moins importantes. Dans le second Hamlet, Shakespeare donne aux personnages secondaires la valeur qu’ils n’ont pas suffisamment dans le premier : il veut que nous nous occupions davantage d’Horatio, de Corambis qu’il appelle désormais Polonius, d’Ophélia et de Laertes, de Laertes principalement ! Quant à l’action proprement dite, elle est restée dans le drame définitif à peu près ce qu’elle était dans le drame primitif, et le poëte n’y a fait que deux changements notables.

Le premier changement est une transposition de scènes. Dans le drame primitif, l’entrevue d’Hamlet et d’Ophélia a lieu avant la conversation d’Hamlet avec Guildenstern et Rosencrantz ; dans le drame définitif, elle est placée après cette conversation. Le motif de cette modification est facile à deviner. En effet, la conversation que Guildenstern et Rosencrantz ont avec Hamlet a pour but, on s’en souvient, de savoir si la cause de son trouble moral est bien, comme Polonius l’affirme, un chagrin d’amour. Or, cette conversation devient au moins superflue après l’entrevue d’Hamlet et d’Ophélia, qui a prouvé au roi que l’amour n’est pour rien dans le « mal » du jeune prince. Pour qu’elle eût toute sa portée, il fallait qu’elle précédât cette entrevue au lieu de la suivre, et l’auteur l’a rétablie à sa place véritable en intervertissant l’ordre des deux scènes.

Le second changement, beaucoup plus grave que le précédent, est relatif à la reine.

Dans le premier Hamlet, Gertrude ignore le crime de