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RICHARD III.
venu sur terre pour faire de la terre mon enfer. — Ta naissance a été pour moi un poids douloureux ; — ton enfance a été hargneuse et maussade ; — ton temps d’école, terrible, désespérant, extravagant, furieux ; — ta première jeunesse, hardie, effrontée, aventureuse ; — ton âge mûr, altier, subtil, fourbe et sanguinaire, — plus calme, mais plus dangereux encore, caressant dans la haine ! — Peux-tu me citer une heure de soulagement — que j’aie jamais goûtée dans ta société ?
RICHARD.

— Aucune, ma foi, si ce n’est l’heure de la faim qui appelait votre grâce — à déjeuner, loin de ma société. — Si ma vue vous est si pénible, — laissez-moi me remettre en marche pour ne plus vous offusquer, madame ! — Battez le tambour.

LA DUCHESSE D’YORK.

Je t’en prie, écoute-moi.

RICHARD.

— Vous parlez avec trop d’amertume.

LA DUCHESSE D’YORK.

Un mot seulement, — et je ne te reparlerai jamais.

RICHARD.

— Soit !

LA DUCHESSE D’YORK.

— Ou tu périras dans cette guerre, par un juste décret de Dieu, — avant d’en sortir vainqueur, — ou je mourrai moi-même de chagrin et de vieillesse : — dans aucun cas, je ne reverrai plus ton visage. — Donc, emporte avec toi ma plus accablante malédiction ! — Qu’au jour de la bataille, elle te fatigue plus — que l’armure complète que tu portes ! — Mes prières combattront pour le parti contraire ; — et alors les petites âmes des enfants d’Édouard — chuchoteront à l’esprit de tes ennemis, — et leur promettront succès et victoire. — Homme de sang,