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TROYLUS ET CRESSIDA.
rester couché, d’aussi bonnes raisons — que vous, prince Pâris, il ne faudrait rien moins qu’une mission céleste — pour m’arracher à la société de ma compagne de lit.
DIOMÈDE.

— C’est aussi mon opinion… Salut, seigneur Énée.

PÂRIS.

— Prenez cette main, Énée. C’est un vaillant Grec ! — Témoin votre langage, alors que — vous racontiez comment, toute une semaine, Diomède — vous avait hanté sur le champ de bataille.

ÉNÉE.

Bonne santé à vous, vaillant sire, — tant que s’interposera la trêve pacifique ; — mais, quand je vous retrouverai sous les armes, à vous le plus sombre défi — que l’âme puisse concevoir ou le courage exécuter !

DIOMÈDE.

— Diomède accepte l’un et l’autre souhait. — Notre sang est calme à présent ; tant qu’il le sera, bonne santé à toi ! — Mais, dès que le combat et l’occasion se rallieront, — par Jupiter, j’irai à la chasse de ta vie, — avec toute ma force, tout mon élan, toute mon adresse.

ÉNÉE.

— Et tu chasseras un lion qui fuira — avec sa face sur toi… Pour le moment, en toute cordialité humaine, — sois le bienvenu à Troie ! Oui, par la vie d’Anchise, — sois le bienvenu ! J’en jure par la main de Vénus, — nul homme vivant ne peut aimer — plus complètement l’être qu’il espère tuer.

DIOMÈDE.

— Nous sympathisons… Jupiter ! laisse vivre Énée — durant mille révolutions de soleil, — si sa fin n’est pas une gloire destinée à mon épée ; — mais, si elle doit être l’honneur de ma vaillance, qu’il meure — avec une blessure à chaque jointure, et cela, dès demain !