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SCÈNE XII.
aurait fait pleuvoir — toutes sortes de maux et d’humiliations sur ma tête nue, — il m’aurait plongé dans la misère jusqu’aux lèvres, — il m’aurait voué à la captivité, moi et mes espoirs suprêmes ; — eh bien, j’aurais trouvé quelque part dans mon âme — une goutte de résignation. Mais, hélas ! faire de moi — le chiffre fixe que l’heure du mépris — désigne de son aiguille lentement mobile !… — Oh ! oh !… — Pourtant j’aurais pu supporter cela encore, — bien, très-bien ! — Mais la retraite dont j’avais fait le grenier de mon cœur, — et d’où je dois tirer l’existence, sous peine de la perdre ! — mais la source d’où mes forces vives doivent découler — pour ne pas se tarir ! en être dépossédé, — ou ne pouvoir la garder que comme une citerne où des crapauds hideux — s’accouplent et pullulent !… Oh ! change de couleur à cette idée. — Patience, jeune chérubin aux lèvres roses, — et prends un visage sinistre comme l’enfer !
DESDÉMONA.

— J’espère que mon noble maître m’estime vertueuse.

OTHELLO.

— Oh ! oui, autant qu’à la boucherie ces mouches d’été — qui engendrent dans un bourdonnement !… Ô fleur sauvage, — si adorablement belle et dont le parfum si suave — enivre douloureusement les sens !… je voudrais que tu ne fusses jamais née !

DESDÉMONA.

— Hélas ! quel péché ai-je commis à mon insu ?

OTHELLO.

— Quoi ! cette page si blanche, ce livre si beau, étaient-ils — faits pour la plus infâme inscription ? — Ce que tu as commis ! ce que tu as commis, ô fille publique, — si je le disais seulement, mes joues deviendraient des forges — qui brûleraient toute pudeur jusqu’à la cendre ! — Ce que tu as commis ! Le ciel se bouche le nez et