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LA FAMILLE.

les dieux te châtieront de m’avoir refusé l’obéissance due à une mère… Il se détourne… À genoux, femmes ! humilions-le de nos génuflexions. À genoux, à genoux ! finissons-en. Après quoi nous retournerons dans Rome mourir au milieu de nos voisins… Maintenant, partons. Ce compagnon eut une Volsque pour mère : sa femme est de Corioles et cet enfant lui ressemble par hasard ! Va, débarrasse-toi de nous… Je veux me taire jusqu’à ce que notre ville soit en flammes, et alors on entendra ma voix ! »

Ah ! comment résister à cette menace suprême du désespoir ? Quoi ! cela serait possible ! Quoi ! Marcius, le plus respectueux, le plus tendre, le plus dévoué des fils, entendrait râler au milieu des flammes la créature auguste qui l’a mis au monde ! Il laisserait s’éteindre dans les hurlements d’une indicible agonie cette voix vénérable qui lui apprit à bégayer les mots les plus doux ! Non, cela ne se peut pas. Arrière, Volsques ! Arrière, légions hideuses des représailles contre nature ! Arrière, soldats barbares d’une rancune monstrueuse ! Marcius aurait pu incendier sa patrie, mais est-il possible qu’il brûle vive sa mère ? Il a juré de commettre un parricide, mais il n’est pas tenu d’en commettre deux !

— Ô mère ! mère ! qu’avez-vous fait ? Voyez, les cieux s’entr’ouvrent, les dieux abaissent leurs regards et rient de cette scène surnaturelle. Ô ma mère ! ma mère ! vous avez remporté une victoire bien heureuse pour Rome, mais bien funeste pour votre fils. Advienne que pourra !

Désormais la fierté de Marcius est vaincue. L’immensité de cet orgueil qui prétendait immoler un peuple entier à ses fureurs recule devant l’immensité du respect filial. Dompté par sa mère, Coriolan donne à ses troupes l’ordre de la retraite. Tout est fini. En signant sa paix avec Rome, Marcius a signé son propre arrêt. Traître aux Volsques, il