Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 3.djvu/44

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ACTE II, SCÈNE III.' 37

pour qu’elle prît soin de moi, lorsque la faculté de servir esrait paralysée dans mes vieux membres et que ma vieillesse dédaignée serait mise au rebut ; prenez-les, et que celui qui nourrit les corbeaux et dont la providence.pourvoit à la nourriture du moineau, soutienne mes vieux jours ! Voici l’or ; je vous le donne tout. Permettez-moi d’être votre serviteur : quoique j’aie l’air vieux, je suis encore solide et vert ; car dans ma jeunesse, je n’ai jamais mêlé à mon sang les chaudes liqueurs qui font révolter les sens, et jamais d’un front sans rougeur je n’ai sollicité les moyens par lesquels s’acquièrent la faiblesse et la débilité ; aussi ma vieillesse est-elle un hiver vigoureux, glacé mais franc. Laissez-moi partir avec vous ; je vous servirai aussi bien qu’un plus jeune homme, dans toutes vos affaires et toutes vos nécessités.

ORLANDO. — O bon vieillard ! comme en toi apparaît bien la fidèle domesticité du monde antique, alors que les serviteurs travaillaient pour le devoir et non pour le salaire ! Tu n’es pas fait pour les mœurs d’aujourd’hui, où chacun ne travaille que pour s’avancer, et une fois qu’il s’est avancé, étouffe son dévouement par le moyen de cet avancement même ; il n’en est pas ainsi de toi. Mais, pau ?re vieillard, tu émondes un arbre pourri qui ne peut même paspaj’er d’une seule fleur toutes tes peines et toute ta culture. Cependant qu’il en soit comme tu le veux : nous partirons ensemble, -ét avant que nous ayons dépensé les épaignes de ta jeunesse, nous aurons trouvé quelque heureusa et modeste situation, à l’abri du hasard.

ADAM. — Allez, maître, et moi je vous suivrai jusqu’à mondernier souffle avec fidélité et loyauté. De l'âge de dix-sept ans à l'âge de presque quatre-vingts que j’ai maintenant, j’ai vécu dans cette maison, mais maintenant je n’y vivra plus. À dix-sept ans, beaucoup cherchent fortune, maif à quatre-vingts ans, il est trop tard : cependant la forlme ne peut mieux me récompenser qu’en me faisant bien mourir et quitte envers mon maître. (Ils sortent.)