Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/103

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rejoindre, lorsque presque mort de faim, j’ai dû commettre cette offense à votre égard.

BELARIUS. — Je t’en prie, beau jeune homme, ne nous crois pas des rustres, et ne juge pas de l’humanité de nos âmes sur notre habitation sauvage. Vous êtes le bien rencontré ! Il est presque nuit : vous ferez meilleure chère avant de partir, et nous vous remercierons de rester et de la manger. — Enfants, souhaitez-lui la bienvenue.

GUIDERIUS. — Si vous étiez femme, jeune homme, je vous ferais une cour pressante rien que pour être votre valet : — en bonne honnêteté, je vous le dis comme je le ferais.

ARVIRAGUS. — Pour moi, je suis très-heureux qu’il soit homme : je l’aimerai comme mon frère : et la bienvenue que je souhaiterais à mon frère après une longue absence, je vous la souhaite : — vous êtes le très-bienvenu ! Soyez d’humeur gaie, car vous êtes tombé parmi des amis.

IMOGÈNE. — Parmi des amis en effet, si des frères.... (À part.) Ah ! plût au ciel qu’ils eussent été les fils de mon père ! alors mon prix aurait été moindre, et il y aurait eu plus d’égalité entre nous, Posthumus.

BELARIUS. — Quelque chagrin le torture.

GUIDERIUS. — Oh ! que je voudrais l’en délivrer !

ARVIRAGUS. — Et moi aussi, quel que soit ce chagrin, quelque fatigue que cela me coûtât, quelque danger que cela me fît courir ! Dieux !

BELARIUS. — Écoutez, enfants. (Il leur, chuchote à l’oreille.)

IMOGÈNE. — Des grands dont la cour ne serait pas plus étendue que cette grotte, qui se serviraient eux-mêmes, et qui, laissant de côté le creux hommage des multitudes inconstantes, s’en tiendraient aux vertus dont les assureraient leurs consciences, ne pourraient éclipser ces deux frères. Pardonnez-moi, ô Dieux ! mais puisque Leonatus est faux, je changerais volontiers de sexe pour être leur compagnon.

BELARIUS. — Il en. sera ainsi. Enfants, nous allons