Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/110

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oui, et pour ta complète confusion, que je suis le fils de la reine.

GUIDERIUS. — J’en suis fâché : ton apparence n’est pas aussi noble que ta naissance.

CLOTEN. — Tu n’as pas peur ?

GUIDERIUS. — Ceux que je respecte, ceux-là je les crains, — ce sont les sages : quant aux sots, je ris d’eux, je ne les crains pas.

CLOTEN. — Meurs donc : lorsque je t’aurai tué de ma propre main, je poursuivrai ceux qui viennent de s’enfuir tout à l’heure, et je placerai vos têtes sur les portes de la ville de Lud : rends-toi, rustre montagnard ! (Ils sortent en combattant.)

Rentrent BELARIUS et ARVIRAGUS.

BELARIUS. — Il n’y a aucune escorte aux environs.

ARVIRAGUS. — Pas la moindre : à coup sûr vous vous serez mépris.

BELARIUS. — Je ne saurais dire : — il y a longtemps que je ne l’ai vu, mais le temps n’a nullement modifié les traits qu’il avait alors ; les éclats de cette voix, cette façon de parler par saccades lui étaient propres : je crois fermement que c’était Cloten lui-même.

ARVIRAGUS. — Nous les’avons laissés en cet endroit :je souhaite que mon frère se soit bien tiré d’affaire avec lui, puisque vous dites qu’il est si cruel.

BELARIUS. — Lorsqu’il était à peine formé, je veux dire arrivé à l’âge d’homme, il n’avait aucun sentiment des menaces du danger ; car le défaut de jugement est souvent l’antidote de la crainte. — Mais, vois, — ton frère.

Rentre GUIDERIUS avec la tête de CLOTEN.

GUIDERIUS. — Ce Cloten était un sot, une vraie bourse vide, sans argent aucun : Hercule lui-même n’aurait pas pu lui faire sauter la cervelle, car il n’en avait pas : néanmoins, si je n’avais pas fait ce que j’ai fait, le sot porterait ma tête à cette heure comme je porte la sienne.

BELARIUS. — Qu’est-ce que tu as fait là !